Les accidents respiratoires
Le sujet des accidents respiratoires étant un peu délicat, j’étais réticent à l’aborder, car je voulais éviter d’effrayer les parents qui auraient le choix de garder leur enfant ayant une trachéotomie à domicile. Je me disais que si ça n’arrivait que trop rarement, insister sur ces accidents respiratoires pourraient être plus effrayant que productif…
J’ai changé d’avis suite à deux événements. Une conversation avec une famille (rencontrée suite à leurs commentaires dans un des articles du blog), nous apprenant que eux aussi avait subi un accident similaire… et le nouvel accident de cette semaine.
Les accidents évoqués sont les décanulations et les bouchons de canule, je les aborde un peu dans cet article, et je vais les décrire plus en détail ici.
Description
Lorsque la canule est retirée de l’orifice trachéal, autrement dit lorsque la trachéotomie est retirée de la gorge, on parle de décanulation. Selon la pathologie de la personne décanulée, cette dernière peut respirer plus ou moins bien et plus ou moins longtemps sans sa canule. A l’heure actuelle, Baptiste ne peut pas respirer du tout… c’est arrivé une fois, il avait moins d’un an. L’autre type d’accident concerne les bouchons, qui se forment à la suite de sécrétions qui sèchent dans la canule, devenant de plus en plus compactes. C’est arrivé deux fois à Baptiste (quand il avait un an et demi et récemment à 2 ans et 4 mois).
Ce ne sont donc pas des accidents fréquents, mais pas non plus exceptionnels…de notre côté, en moyenne tous les 8-10 mois.
Ces deux accidents ont les mêmes conséquences : incapacité à respirer puis cyanose (accumulation du CO2 dans le sang), perte de conscience et parfois rigidité du corps… voire le décès l’on n’est pas assez rapides à réagir.
Comment s’y préparer ?
Prévenir les accidents respiratoires
Nous savons que nous avons été confrontés trois fois à ce genre de situation, mais nous n’avons aucune idée du nombre de fois où nous l’avons évitée grâce à quelques précautions.
Pour éviter les bouchons, le filtre de la trachéotomie doit être en place (si possible en permanence) pour empêcher les sécrétions de sécher. Si vous voulez plus de détails sur le sujet, il est déjà évoqué dans l’article sur les risques liés à l’eau. L’humidité de l’air réduit également le risque, nous en parlions dans cet article dans la partie sur l’humidificateur.
Pour réduire le risque de décanulation, c’est sur la fixation du collier et le confort de la trachéotomie qu’il faudra se pencher. Si le pansement gratte, que la peau est pincée, que le collier est trop ou pas assez serré, cela augmentera l’inconfort, et donc le risque que l’enfant s’acharne sur sa trachéotomie jusqu’à réussir à l’enlever. L’équipe soignante de l’hôpital vous apprendra à serrer un collier lors des soins de trachéotomie.
L’importance du monitoring nocturne
C’est principalement à cause de ce type d’accident qu’il est indispensable que l’enfant soit relié à un saturomètre la nuit. Tous nos accidents ont eu lieu la nuit, donc ne vous dites pas que « il dort, donc c’est moins dangereux ». Avec un saturomètre connecté à l’enfant, une alerte insupportable sonne dès que l’enfant ne s’oxygène pas bien et vous serez donc prévenus immédiatement du problème.
Mais surtout si vous êtes tenté de ne pas mettre le saturomètre à votre enfant sous prétexte qu’il ne va dormir qu’une demi-heure, que vous n’êtes pas loin (dans une pièce voisine) ou que la machine vous embête à toujours sonner pour rien ne céder jamais à cette tentation, je dis bien JAMAIS.
Formation à l’hôpital
En plus du saturomètre, nous avons un baby-phone vidéo dans la chambre de Baptiste. C’est très utile car les fausses alertes sont très fréquentes. Ainsi lorsque Baptiste s’assoie dans son lit, ou se retourne, une alarme peut survenir. Un simple coup d’œil à la caméra nous rassure et nous permet d’être plus détendu, évitant de craindre des accidents respiratoires toutes les 20 minutes.
Avant de sortir de l’hôpital, faites vous former par l’équipe soignante sur la réanimation d’un enfant décanulé. Sur les trois accidents que nous avons eu, il a fallu réanimer Baptiste deux fois, en faisant un massage cardiaque et du bouche à canule. La troisième fois, il est devenu bleu, mais n’a pas perdu conscience. L’élément le plus important pour que les choses se passent au mieux est la rapidité de réaction, chaque seconde compte, et à chaque minute qui passe c’est 10% de chances de moins de réanimer l’enfant (ou l’adulte d’ailleurs). Si vous arrivez près de votre enfant, et que vous le voyez perdre conscience, vous étiez là au bon moment, en lui changeant la canule, et en le ventilant (soit à l’aide d’un ballon, soit en soufflant directement) il devrait vite revenir à lui. Soyez bien conscient que c’est vous qui devrez régler la crise. Les pompiers, le SAMU, les médecins ou n’importe quelle aide extérieure arriveront trop tard.
La formation PSC1
C’est le nouvel acronyme de la formation de secourisme. Elle dure une journée et peut être suivie durant votre temps de travail. C’est une formation classée « civique », ce qui fait qu’elle ne retire pas de jour de votre compteur de formation professionnelle (DIF). Je l’ai suivie cette année, et j’ai été surpris de la proportion de la formation dédiée au secours des bébés et enfants. On y voit les gestes d’urgence à effectuer sur eux, avec des exercices précis et très utiles. Malgré que nous ayons réanimé Baptiste sans cette formation, je pense que cela devrait être obligatoire (c’est déjà le cas dans certains pays européens). Elle vous entraîne exactement à ce qu’il faut faire en cas d’accident (à cela près que dans les exercices on souffle dans la bouche, en fermant le nez, alors que vous soufflerez dans la canule).
Nous n’avons jamais rencontré d’enfant avec une trachéotomie (VACTERL ou pas) n’ayant pas eu au moins un accident respiratoire. Il faut donc s’avouer que ces accidents ne sont pas exceptionnels, et mieux vaut être avertis pour s’y préparer. Il me parait imprudent et peu réaliste d’espérer passer au travers de ces soucis sans les rencontrer. En réagissant rapidement et de manière adaptée, il n’y a pas de raison que les choses se passent mal. Nous ne vivons pas dans la peur de cette situation, mais nous sommes prudents en permanence et gardons toujours un œil sur Baptiste dans n’importe quelle situation.
Mettre le matériel à disposition
Les accidents respiratoires se gèrent dans l’urgence, vous n’aurez pas le temps de chercher dans la chambre pour le ballon de réanimation ou la canule de rechange, c’est pourquoi il faut toujours avec ce matériel au même endroit, à portée de main du lieu où vous faites les soins.
Bon courage à tous, tenons bon !
Articles liés:
– La trachéotomie
– Les risques liés à l’eau (détail sur le filtre de trachéo)
– Un accident respiratoire à l’hôpital
– Article Necker n°2
8 réponses à “Les accidents respiratoires”
Baptiste dort juste avec le saturometre ou un monitoring cardiaque ? Ici ils me disent qu’ un satu en dehors du système central comme celui de l’hôpital n’existe pas… donc à priori juste la fréquence cardiaque pour nous.
Nous avons un saturomètre, il donne la fréquence cardiaque et la saturation, on voit la photo dans l’article que l’on commente (98 c’est sa saturation et 142 son rythme cardiaque). Nous lui mettons un capteur qui s’enroule autour de l’orteil (et nous mettons une chaussette par dessus pour que ça dure toute la nuit). Nous n’avons aucun capteur qui vient se coller sur son torse comme à l’hôpital, et sincèrement ça ne manque pas du tout.
Nous sommes en Belgique et il y a une équipe d’infirmières « de liaison » avec l’hôpital pour les questions, les papiers… je commence à être autonome pour les soins et j’ai pu changer la canule une première fois. J imagine encore mal le retour à domicile… s il va dormir dans sa chambre ou la notre (je n’ai pas encore testé le monito et sa puissance sonore), la SDB minuscule sera sans doute assez galère… je crois que je vais semer des canules de secours partout comme des oeufs de pâques… vous fonctionner avec un seul aspirateur ou vous en avez pris un de secours ? (un manuel ?)
Nous avons deux aspirateurs. Un dans sa chambre, branché en permanence, et un qui a une batterie et qui nous suit partout. Deux c’est indispensable car si l’un des deux tombe en panne l’autre prend le relais.
Nous avons deux canules de secours, une dans sa chambre, proche de là où nous faisons les soins, et un dans le sac où il y a l’aspirateur portable. Comme ça il y en a toujours une à proximité.
Nous le faisons dormir dans sa chambre, une trachéotomie ça fait quand même du bruit et dormir à côté de lui ce n’est pas facile
Merci pour toutes ces infos. La sortie devait être imminente… mais nous ne sommes finalement pas très avancés. Mon mari a pu placer la canule une fois, moi peut être demain… Nous devions rentrer après 2-3 placement de canule, mais finalement il manque des images de la stenose, pas encore réussi à rencontrer la chirurgienne qui devrait faire la reconstruction du larynx, suite à l’accident on se rend compte que c’est incertain de vouloir recanuler seul car il se débat pas mal (tout en s asphyxiant plus vite que ce que l’orl avait prévu..). J ai le sentiment que le corps médical avance à taton avec nous et qu’il n’y a pas réellement quelque chose de « prévu » (style formation à la réanimation).
Oui malheureusement, nous constatons tous qu’avec des enfants avec des pathologies rares, on sort rapidement des habitudes du corps médical et qu’il ne faut pas hésiter à prendre les choses en mains. Vous ont ils mis en relation avec un organisme pour le matériel et l’assistance une fois à domicile ? Nous avons Air de Bretagne dont je parle ici : http://vacterlauquotidien.blogspot.fr/2015/10/air-de-bretagne.html . N’hésitez pas à poser un maximum de questions, quand on arrive chez soit on en a beaucoup et il est moins facile d’avoir des réponses.
Nous évoquons aussi les durées des épreuves ici : http://vacterlauquotidien.blogspot.fr/2015/10/la-duree-des-epreuves.html . Essayez de ne pas trop vous fier aux durées qu’on vous donne, et soyez patient, c’est meilleur pour le moral :). Bon courage, tenez bon.
Merci d’avoir partagé cette expérience… je suis arrivée sur le blog par cette page, ayant vécu le premier accident respiratoire lié à la tracheo de Loïs ce matin (collier desserre et expulsion de la canule en toussant), heureusement à l’hôpital. Il a 13 mois, tracheotomise depuis 15 jours suite à 3 mois d hospi pour une stenose du larynx acquise suite à intubation. J’ai une fille de 5 ans et Loïs a un frère jumeau. Donc hâte de rentrer à la maison et en même temps pas du tout rassurée de devoir gérer une urgence seule à la maison, dans la poussette en balade ou en voiture….
Bonjour Stéphanie,
il est normal d’appréhender ces soucis, surtout lorsque votre enfant est trachéotomisé depuis peu. Avec le temps votre rapport à la trachéotomie devient de plus en plus naturel… vous ferez des changements de canules chaque semaine, des soins tous les jours… Les accidents sont dangereux si l’alerte est donnée trop tard, si vous êtes présente au moment du problème, les gestes à effectuer seront très habituels. Je pense aussi qu’il y a beaucoup moins de chance d’accident à domicile qu’à l’hôpital (vous allez tellement manipuler la trachéotomie que vous serez très vite beaucoup plus compétent que les infirmiers concernant ce domaine).
Avec des soins correctement faits, un collier bien fixé, la probabilité d’avoir un problème en journée (alors que vous entendez son bruit de respiration et que l’enfant est actif (donc la moindre gêne va le faire tousser, il ne va pas laisser un bouchon se mettre en place discrètement) ) est très faible. Je pense sincèrement que c’est presque impossible. En plus en position assise, la canule aura du mal à sortir, c’est plutôt en étant couché que la décanulation devient possible. Donc en ce qui concerne les risques en poussette / voiture, ne vous inquiétez pas.
Dans l’absolu, je pense que vivre un accident respiratoire (avec une issue positive bien sûr) est une bonne chose, car vous savez que ça peu vraiment arriver, et vous savez que ça se gère.
Vous espérez sortir de l’hôpital bientôt ? Vous allez être formée combien de temps ?
Bon courage et bonne chance !