La durée des épreuves
Lorsqu’on a commencé à nous informer sur le parcours que nous allions traverser, le corps médical a largement sous-estimé la durée des épreuves. Les premières semaines avec VACTERL, nous pensions avoir des soucis quelques mois… Très vite nous avons compris que cela durerait quelques années, et à présent nous avons compris que cela durerait toute la vie même si le plus dur est probablement au début.
A chaque hospitalisation, à chaque rétablissement, à chaque étape, c’est très simple : le corps médical nous a, à peu près, dit n’importe quoi sur les durées auxquelles nous attendre. Baptiste devait pouvoir manger au bout d’un mois, avoir un anus à trois mois. Nous partions pour Necker pour deux semaines, nous y sommes restés deux mois. Lorsque nous rentrions à l’hôpital pour deux ou trois jours, nous n’en ressortions que deux semaines plus tard.
Comment est-il possible de se tromper autant?
La réponse à laquelle je suis arrivé à force d’y réfléchir est assez proche de la réalité je pense. Le corps médical a suivi une formation dédiée au rétablissement des gens, à des opérations et des soins. Un chirurgien sait combien de temps va durer son opération, et a une idée de ce qui va suivre. Mais voilà, ce n’est pas plus qu’une idée, en réalité cela n’est pas dans leur tracas, et je ne leur reprocherai pas, je veux qu’ils sachent opérer mon fils, et nous expliquer les soins à faire. C’est déjà énormément d’informations, et c’est ça qu’ils ont dans la tête lorsqu’ils voient Baptiste. Que l’enfant reste deux semaines à l’hôpital ensuite ou deux jours, ça ne les marquent pas tant que ça, alors que pour les parents la différence est énorme. Cela varie beaucoup d’un enfant à l’autre et ils ne gardent pas dans un cahier les durées entre deux opérations de chaque patient, ça n’a pas grand intérêt pour eux. Ce n’est, au final, pas vraiment leur métier. Donc mon conseil est très simple: relativiser beaucoup leur propos concernant la durée des étapes, préférer écouter les parents des autres enfants, car eux ne savent pas faire une opération, mais sont spécialisés dans les soins à domicile et l’attente de la prochaine opération. Ils sauront faire la différence entre 3 mois et 1 an pour une durée.
Pourquoi un article là dessus?
Parce que c’est plus grave qu’il n’y parait. Pendant les hospitalisations les gens ont besoin d’être rassurés, entre deux opérations les gens ont besoin de savoir à quoi s’en tenir. Certaines grosses désillusions attaquent directement le moral des parents et patients.
Je vais détailler l’exemple très parlant des soins à faire entre les deux opérations de remise en continuité pour Baptiste (je passe volontairement les détails et explications de cette opération, qui fera l’objet d’un article prochainement). Déjà pour le contexte, à la naissance, j’avais vu un chirurgien qui m’avait expliqué, que d’ici trois semaines mon fils aurait un anus, donc pour moi cette durée était en tête. Finalement il y a eu des priorités à gérer, et nous ne nous sommes occupés de la colostomie de Baptiste qu’une fois sa première année atteinte. Après la première opération (la perforation), le chirurgien nous dit que si tout se passe bien d’ici un mois Baptiste sera réopéré pour remettre l’intestin en continuité et en finir avec la colostomie. Ensuite, le chirurgien me donne rendez-vous trois semaines plus tard, pour « voir ce que l’on fait ensuite ». Donc moi je m’y rends ravi, je préviens ma famille que je vais bientôt avoir la date de l’opération de la remise en continuité.
Une fois sur place, le chirurgien m’apprend qu’il y a des soins à effectuer sur l’anus, qu’il faut faire des dilatations (de 8 à 10 mm de diamètre) et cela pendant trois semaines.
A ce moment là, je suis très déçu car la colostomie nous tape sur les nerfs et nous avons hâte de la retirer… Je pensais vraiment qu’on allait fixer une date et avancer sur cet aspect. Toute ma famille me demande donc la date… je dois informer tout le monde que ce n’est pas encore pour maintenant, ça déçoit vraiment tout le monde. Les dilatations s’avèrent être un soin particulièrement pénible à effectuer, et au bout de trois semaines, je peux enfin dire à mon fils « c’est la dernière fois, on va voir le chirurgien cet après midi ».
Une fois au rendez-vous, le chirurgien constate que les dilatations ont été efficaces, je suis ravi, je pense qu’on va pouvoir fixer une date pour la prochaine opération… Et là on me sort un joli protocole à effectuer sur les dilatations futures, qui iront jusqu’à 12 mm (je crois), qui seront à faire quotidiennement, puis deux fois par semaine, puis une fois par semaine…. protocole à effectuer sur 4 mois. Imaginez vous la déception…
Franchement, ce n’est pas évitable ça ? C’est impossible de dire à quelqu’un dès le début : « prochaine opération pas avant 5 mois, il y a des soins à faire entre deux ».
Cela a juste rajouté de la peine et de la déception dans un foyer qui n’en a pas besoin, nous aurions pu faire le même parcours beaucoup plus sereinement.
A présent, nous prenons très peu en compte les indications de durée que le corps médical nous donne.
Si on me dit « 5 mois » j’entends « un an ou deux ». J’essaie de m’attendre au pire afin d’éviter les déceptions. Ces dernières risquent d’accentuer l’impression que rien ne va comme prévu et qu’on ne croise que des échecs (ce qui arrive forcément quand on a VACTERL dans sa vie). Lorsque l’on part dans la traversée d’une étape en sachant qu’il faudra être patient et que des obstacles surviendront, on est plus préparé et plus serein. C’est assez étrange comme conseil, mais quand je commence à être trop enthousiaste ou optimiste sur un point précis du développement de Baptiste, j’essaie de relativiser tout ça, de ne pas oublier qu’un problème peut arriver, qu’on est loin de la fin du parcours. C’est certainement se priver de certaines joies, mais surtout se priver de la déception que l’on ressent lorsque les choses vont de travers.
Bon courage à tous, tenons bon!
Une réponse à “La durée des épreuves”
Un article troublant de vérité… A l’hôpital on sait quand on rentre et jamais quand on sort !